Steel Canyon, 20:45
Assis sur la corniche d'un building, Neutron regardait le vide devant lui. Il tenta vainement de respirer une bouffée d'air pur. Plus rien ne lui venait à l'esprit : les goûts, les senteurs du matin, encore moins quelques instants de clartés breves.
Ce qu'il désirait le plus était une seule bouffée d'air pur. Pour la plupart des habitants de Paragon, ce n'était qu'un reflexe vital, une chose à quoi on ne portait guère d'attention. Mais pour lui, cela faisait une éternité qu'il n'avait eu cette sensation.
Depuis longtemps, il avait renoncé à se souvenir de son enfance, de sa famille, de ses probables enfants. Partis en fumée, à l'image des photos qu'il avait laissé derrière lui, dans son laboratoire.
Son dernier et unique souvenir était brutal : son travail pour Crey, ces maudites armures de guerres cybernétiques utilisées à d'autres fins que celle qu'on lui avait fait croire. Sa fuite desespérée, protégée par son dernier prototype, une armure qu'il croyait infaillible. La destruction d'un travail de toute une vie, un geste digne d'être regretté mais tellement salutaire. Se reconstruire après, petit à petit.
Sa création était maintenant sa prison. Son corps ne fesait qu'un avec son armure cybernétique. Impossible à retirer, sous peine d'une mort certaine. Elle l'avait rendue immortel, capable de dépasser toutes les limites physiques.
Mais elle lui avait retiré le sel de sa vie. Cette nuit, nombre de ceux qui vont s'endormir sous sa protection pourront rêver, d'océan ou bien d'amour futures. Demain, ils goûteront la chaleur du soleil sur leur peau, ou les gouttes d'eau d'une pluie qui les aura surpris au petit matin. Demain, ils auront leurs désirs, leurs joies, leurs echecs en attendant le jour qui s'achève. Une vie qui passe, un rêve.
Lentement, il se leva. Le jour était maintenant tombé, et il pouvait voir la flamme de Zedd qui attendait en bas de l'immeuble. Il fallait qu'il continue pour eux, pour leur avenir, pour leurs vies. S'il pouvait sauvegarder ce à quoi on accorde si peu d'importance. Il partait avec la certitude qu'il pouvait ainsi retrouver un peu de sa vie.
En échange, il désirait juste la mémoire ancienne d'une bouffée d'air pur.